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Accès aux soins chez les étudiants

Le parcours du combattant

50%. C’est le nombre d’étudiants qui ont recours à un médecin traitant en France, alors même que l’accès aux soins médicaux est pourtant garanti plus ou moins gratuit pour tous. Le parcours santé est parfois semé d'embûches, entre remboursements tardifs, attente pour obtenir un rendez-vous et le temps consacré aux soins. Autant de freins pour les jeunes étudiants qui décident de ne plus se soigner. Ce web-reportage s’intéresse à l’accès aux soins médicaux chez les étudiants et les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

« Tant que ça n'est pas urgent, je ne me soigne pas »

Ne pas aller se soigner faute d’argent ou de temps, c’est le quotidien de beaucoup d’étudiants en France. En 2017, un tiers des étudiants renonçaient aux soins médicaux avec l’augmentation du coût de la santé, selon une étude menée par le réseau de mutuelles EmeVia. En effet, débourser 70€ pour une consultation gynécologique et attendre plus d’une semaine pour se faire rembourser à de quoi décourager. La prise en charge des mutuelles étudiantes varie également de 15% à 70%. Pour espérer une prise en charge intégrale il faut alors passer par une complémentaire santé, souvent rattachée aux parents. Nous sommes allées à la rencontre d’Alice, jeune étudiante de 22 ans, confrontée au quotidien à des difficultés au sein du parcours santé :

L’une des causes principales du recul d’accès aux soins chez les jeunes serait donc leur situation sociale. D’après une étude réalisée en 2012 par le Sénat, la moitié des étudiants vivraient avec moins de 400 € par mois. 50 % d’entre eux affirment connaître des difficultés financières au cours de l’année. Laissant place à d’autres dépenses, plus de 20 % de ceux-ci n’ont alors pas les moyens financiers de cotiser pour une mutuelle santé.

Sondage réalisé sur une base de 77 étudiants à l’échelle nationale

Selon nos résultats, 60% des étudiants se sont déjà privés d’aller chez le médecin. Ils expliquent cela par un manque de temps pour 37,5% d’entre eux et 27,5% estiment ne pas avoir le budget. Certains pensent que le système de mutuelle et sécurité sociale étudiante est inefficace, entre autre à cause des remboursements trop longs (12,5%). Les jeunes étudiants sont donc de plus en plus confrontés à l’augmentation du coût de la vie quotidienne (logement, nourriture, transports ou frais de scolarité), préférant diriger leurs dépenses vers d’autres besoins. Autre facteur d’aggravation de la situation des jeunes : l’augmentation des dépassements d’honoraires et de recul progressif de leur prise en charge par l’assurance-maladie. Ceux-ci ont augmenté durablement depuis ces cinq dernières années et principalement dans les centres des grandes villes : lieux de prédilection de la jeunesse pour leurs études. La LMDE, l’une des principales mutuelles étudiantes, affirme que « seul 1 € sur 2 dépensé pour leur santé est remboursé à un étudiant ».

Comment les professionnels de santé expliquent-ils ce recul ?

Autant chez les étudiants que chez les professionnels, le constat reste le même : les étudiants se soignent moins. Nous sommes parties à la rencontre de professionnels de santé, afin de consolider et expliquer les facteurs de cette désertion. Sandrine Jougleux, pharmacienne titulaire depuis plus de 11 ans à la pharmacie du Port Fluvial de Lille, explique que ce recul peut aussi être « une question de génération : le pharmacien paraît peut-être moins utile que le médecin ». La vision de la profession pharmaceutique aurait donc évolué négativement ces dernières années et le pharmacien « [n’aurait] pas la même image » que le médecin, devenu “vendeur” de médicaments dans l’esprit des jeunes.

L’importance et la possibilité de se soigner n’est pas non plus la même chez tous les étudiants. La baisse de fréquentation dépend aussi de l’emplacement de la pharmacie. Sandrine explique : « Dans certains quartiers, 7 € de médicaments, c’est bien trop excessif pour certains étudiants, alors que dans d’autres quartiers, moins populaires, ça n’est pas forcément le cas ». Une constatation interne et partagée au sein du milieu pharmaceutique de quartier.

 

Se soigner pourrait donc dépendre de sa classe sociale et de son secteur. De plus, le prix des médicaments n’est pas nécessairement le même dans toutes les pharmacies. Une théorie qui se confirme dans les chiffres, puisque Emevia souligne que 61 % des étudiants vivant chez leurs parents, ayant donc moins de frais quotidiens, consultent un médecin lorsqu’ils sont malades. Un chiffre bien supérieur aux étudiants vivants seuls : 56 % des étudiants en résidences universitaires et 57 % des étudiants en colocation attendent que cela passe.

Sandrine Jougleux, pharmacienne à Lille. ©Clara Lefèvre-Manond

Un constat unanime

Parallèlement, Emevia confirme ce constat inquiétant du renoncement aux soins des étudiants. Premier réseau national des mutuelles étudiantes de proximité, elle réalise tous les deux ans une étude sur leur accès aux soins. Elle souligne la baisse spécifique des consultations gynécologiques et chez le médecin traitant. Ainsi, sur les 50 000 étudiants interrogés pour l’enquête nationale de 2013, 17 % déclarent avoir renoncé pour des raisons financières au cours des 6 dernier mois. En 2011, encore 57 % des étudiants affirmaient avoir recours à un médecin traitant.

 

Un chiffre constamment en baisse depuis ces cinq dernières années puisqu’ils n’étaient déjà plus que 53 % en 2013 et passent, aujourd’hui, en dessous de la barre symbolique des 50 %. Ce phénomène concerne davantage les étudiantes que les étudiants et de grosses disparités sont à souligner (21 % chez les jeunes femmes, 12 % chez les jeunes hommes). Davantage de femmes vont consulter leur médecin traitant (55 % chez les femmes contre 50 % chez les hommes), s'auto médicamentent (52,8 % contre 39,7%) ou demandent conseil à un pharmacien (14,4 % contre 8 %).

Résultats comparatifs des études réalisées par Emevia, en 2011 et 2013.

Mais quel est le rôle d’une mutuelle étudiante ?

Le gouvernement rappelle que chaque étudiant peut bénéficier d’un régime spécifique de protection sociale grâce au régime étudiant de la Sécurité Sociale, de 20 à 28 ans. Cette offre varie selon la situation de l’étudiant (âge, activité salariée etc…) et les modalités de prise en charge. En dessous de 20 ans, le régime de Sécurité sociale de l’étudiant est affilié à celui de ses parents ou de son tuteur légal. Les remboursements sont alors effectués sur le compte bancaire des parents. Ne faudrait-il pas alors réformer ce système,  en prenant en compte le fait que les étudiants débutent, dans la plupart des cas, leurs études supérieures généralement à 18 ans ou moins ?

 

Pour faciliter les remboursements, les étudiants doivent verser une cotisation annuelle forfaitaire pour l’année universitaire en cours. Elle est devenue aujourd’hui obligatoire. Cette affiliation permet de bénéficier du remboursement des soins en cas de maladie au cours de l’année universitaire. Les boursiers sont exonérés du paiement de la cotisation pour faciliter leur accès aux soins et à la protection santé.

 

Les sept mutuelles étudiantes régionales ont différentes missions auprès de plus d’un million d’étudiants et offrent une garantie complémentaire santé pour 250 000 d’entre eux. Elles doivent notamment gérer le régime étudiant de Sécurité Sociale, offrir leurs garanties complémentaire santé et mettre en place des actions de promotion de la santé. Leur priorité concerne la prévention santé et la sensibilisation par différentes actions au sein des lieux de vie étudiante (université, lycées, résidences universitaires, soirées étudiantes etc…). Aujourd’hui, 83 % des étudiants sont couverts par une complémentaire santé contre 94 % en population générale. Presque 60 % des étudiants sont affiliés à une complémentaire santé parentale, surtout ceux vivant encore au domicile familial, confirmant les disparités mentionnées précédemment.

Quelles solutions pour améliorer le système santé des jeunes ?

Pour tenter de dégager des solutions, nous nous sommes renseignées auprès des syndicats étudiants, organismes les plus proches de ces derniers. Doriann Maillet-Praud, membre de l’UNEF à Lille 2, dresse un constat lourd du système santé étudiant et de sa perception :

Avant le 30 octobre 2017, tous les étudiants bénéficiaient du régime de sécurité sociale étudiant, dès qu’ils payaient leurs frais d’inscription, et choisissaient une mutuelle. En effet, depuis cette date, Edouard Phillippe a mis en place un plan étudiant, supprimant ce régime spécifique. Un des problèmes majeurs de ce plan est la mise en danger de l’expertises des mutuelles étudiantes. En perdant cette spécificité, les étudiants ont plus de chances d’être pris en charge par un service moins adapté à leurs besoins. Une des solutions pour remédier à ce problème serait, selon l’UNEF, de laisser gérer l’expertise des soins par les étudiants eux-mêmes, sur les campus.

Il existe donc une baisse indéniable de l’autonomie étudiante devant l’accès à la santé. Selon l’Observatoire de la Vie Étudiante, “les étudiants sont pourtant un peu plus nombreux à se percevoir en bonne santé”. C’est grâce au régime étudiant, vu comme un facteur d’information, que les étudiants ont un accès progressivement facilité aux soins. Cependant, les difficultés financières de ceux-ci s’aggravent d’année en année, notamment à cause de leurs conditions de vie. La précarité financière étudiante augmente et l’accès aux soins est bien directement lié aux capacités financières de ceux-ci, toujours un peu plus en dégradation. Une restructuration en profondeur du système de santé étudiant serait alors une des solutions pour attirer à nouveau les jeunes vers la santé.

Victoire De Meulenaere, Charlotte Huguerre, Clara Lefèvre-Manond.

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